Un robot à la manœuvre
Les véhicules autonomes offrent à la logistique un potentiel énorme, notamment pour la manipulation automatique des caisses mobiles. Mais peut-on les exploiter efficacement et en toute sécurité dans un entrepôt ? L’agence DACHSER de Langebau, près d’Ulm, a réalisé des essais en conditions réelles.
Le tracteur du parc Kamag récupère un semi-remorque vide sur le parking et se dirige vers le quai 35. Son conducteur peut se détendre, car le tracteur se déplace de manière autonome. Une chose retient toutefois l’attention : trois grands capteurs ronds installés sur le pare-chocs sont reliés par des câbles verts au système numérique du véhicule. Sur le toit on aperçoit d’autres capteurs et plusieurs antennes.
Dans l’entrepôt de l’agence DACHSER de Langenau, dans le Bade-Wurtemberg, une vision futuriste est en train de voir le jour. Soutenu par le ministère allemand de l’Économie et du Climat, le projet de recherche SAFE20 teste deux tracteurs de parc entièrement automatisés. Roulant à une vitesse maximale de 20 km/h, ils s’intègrent parfaitement dans les activités du site, où circulent également des véhicules pilotés par des humains et des piétons. Accompagnés par un conducteur de sécurité prêt à intervenir en cas d’urgence, ces véhicules fournis par Kamag, un constructeur spécialisé dans les solutions logistiques, doivent contourner les obstacles qui se trouvent sur leur route, se déplacer sur le site et éviter les piétons et les autres véhicules. Un véritable défi pour les capteurs et les systèmes informatiques dont ils sont équipés. Plusieurs radars analysent l’environnement à l’aide d’un laser et créent une image numérique avec les données collectées. Une antenne GPS placée sur le toit indique à tout moment la position exacte du véhicule. La deuxième antenne reçoit les données émises par les radars et les caméras de l’infrastructure, qui sont ensuite analysées et transmises au système informatique du tracteur. « Ainsi, le véhicule sait à l’avance ce qui l’attend à l’approche des zones fréquentées », précise André Bilz, Team Leader Truck & Terminal Equipment au siège social de DACHSER.
Afin de faciliter ce processus complexe qui permet aux tracteurs autonomes de circuler dans un centre logistique, des caméras et des capteurs ont été installés sur les entrepôts. Si l’un d’eux détecte une personne sur un passage piéton, il transmet l’information au véhicule autonome qui peut alors ralentir et, si nécessaire, s’arrêter immédiatement, avant même de voir la personne.
Intégré dans la circulation
« Pour être exploités sur notre site aux côtés d’autres véhicules, les tracteurs autonomes ne doivent pas être un obstacle », explique André Bilz. À l’heure actuelle, les règles de sécurité en vigueur limitent la vitesse de ce type de véhicule à 6 ou 8 km/h. Les véhicules testés ici roulent deux fois plus vite, jusqu’à 20 km/h. Ils doivent s’intégrer dans le flux de circulation « normal », qui comprend des camions avec conducteurs, ainsi que d’autres véhicules et des piétons. « Dans la zone automatisée du site logistique, des véhicules spéciaux autonomes effectuent certaines manœuvres difficiles, comme le déplacement de caisses mobiles et de semi-remorques », poursuit-il.
Le projet de recherche SAFE20 étudie l’utilisation de ces véhicules dans un contexte logistique réel depuis trois ans et demi. Pour ce faire, des règles précises ont été établies, notamment un concept de sécurité validé en conditions réelles. Ses conclusions seront prises en compte dans l’élaboration d’une nouvelle directive pour le transport automatisé de marchandises dans les entrepôts. Sept partenaires participent au SAFE20 aux côtés de DACHSER. Parmi eux figurent notamment l’Institut Fraunhofer pour les flux logistiques et de marchandises (IML) et l’Institut Fraunhofer pour les systèmes de transport et d’infrastructure (IVI). Basé à Hanovre, ZF Commercial Vehicle System assure la coordination du projet et a géré la conversion du tracteur Kamag PT. Les deux véhicules spéciaux, équipés de capteurs et d’un système électronique embarqué pour le traitement des données, ont été fabriqués par Kamag Transporttechnik. La société SICK AG a fourni les capteurs et piloté l’élaboration du concept de sécurité. Spécialiste de l’automatisation, Götting a fourni les composants du système de localisation des véhicules.
À l’heure actuelle, les règles de sécurité en vigueur limitent la vitesse de ce type de véhicule à 6 ou 8 km/h.
André Bilz dresse un bilan positif de la vaste campagne d’essais en conditions réelles : « Notre solution n’est pas prête à être produite en série, mais l’expérience acquise et les données collectées nous permettront d’avancer. Nous pouvons d’ores et déjà montrer aux autorités et aux associations professionnelles que ces véhicules sont utilisables en toute sécurité dans un environnement mixte. Outre la sécurité accrue des processus, nous pensons pouvoir réduire sensiblement les dommages dus aux chocs », déclare-t-il. En plus d’amener les semi-remorques sur les quais de chargement, les tracteurs pourraient également manœuvrer les caisses mobiles. Ces deux manœuvres exigent une précision au centimètre. Les capteurs sont toujours parfaitement concentrés, sans être distraits par le manque de lumière, notamment au coucher ou au lever du soleil. « Nous avons rencontré quelques difficultés dans des conditions météorologiques extrêmement mauvaises, lors de fortes chutes de neige par exemple, mais ces problèmes peuvent être résolus. »
Un complément appréciable
Dans un contexte de pénurie de conducteurs, les véhicules autonomes peuvent apporter une solution intéressante, même s’ils ne peuvent pas encore se passer totalement d’une présence humaine. La sécurisation des remorques avec des cales ou l’ouverture et la fermeture des portes doivent être effectuées manuellement selon des processus spécifiques. Ces missions peuvent cependant être transférées au personnel responsable du chargement. Pour le raccordement, un système d’attelage automatique a été mis en place. Il relie l’alimentation en air comprimé du système de freinage et le réseau électrique au système d’éclairage. Il faudrait cependant installer ce système sur toutes les remorques. Cela nuirait à la rentabilité, mais le déplacement des caisses mobiles serait nettement plus simple.
Le projet SAFE20 a permis d’identifier des améliorations potentielles pour de futures solutions destinées à être commercialisées, mais il a surtout démontré qu’il est non seulement possible, mais aussi économique et sûr d’utiliser des véhicules autonomes pour effectuer des tâches logistiques sur un site fermé.